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27. Entre un cheminement intérieur et un pèlerinage, il n'y a qu'un pas !

Voilà plusieurs mois que je souhaite vous livrer mon témoignage concernant la marche que j’ai faite sur le chemin de Compostelle. Je n’ai pas rédigé cet article plus tôt, n’arrivant pas à mettre des mots sur cette expérience que je n’ai pas vécue « avec la tête »,  mais « par le corps ». Comme le dit justement Daniel Zanin, la marche nous place dans un état d’observation perceptive dans lequel nous ne nommons pas les choses : c’est une expérience de pleine conscience qui nous reconnecte à notre ressenti, et qui nous affranchit de toute verbalisation.

 

Ce témoignage s’inscrit donc naturellement dans le prolongement de l’article précédent sur la pleine conscience. Il pourrait tout aussi bien être rangé dans la catégorie « trousse de secours », tant le fait de marcher est une thérapie (physique, psychologique, spirituelle) puissante !

 

 

Le chemin de Compostelle : une ligne du monde avant tout !

 

Le chemin de Compostelle est connu pour être un lieu de prédilection pour les pèlerins catholiques. Pourtant, de nombreux marcheurs arpentant cette voie ne le sont pas ! Religieux ou non religieux, pratiquants ou non pratiquants, les pèlerins viennent d’horizons différents avec des démarches personnelles diverses et variées (spirituelles, sportives…).

 

La voie de Compostelle, avant d’être chrétienne, était déjà connue par les celtes. C’est une ligne énergétiquement puissante dans laquelle circule un fluide qui, tel un courant d’eau, lime ce qui se trouve sur son passage.  Ainsi, cette ligne est propice au travail sur soi, que l’on soit venu pour cela ou non : elle rectifie le pèlerin en emportant ses peaux mortes, autrement dit en le « pelant » (d’ailleurs, le mot « pèlerin » commence par « pèle », du verbe « peler » !).

 

 

Les pensées, quand elles ne sont pas obstruées, s’éclaircissent d’elles-mêmes…

 

Marcher tous les jours avec un sac sur le dos m’a reconnectée à mon corps, et donc éloignée de mon mental. J’ai alors vécu la citation de Lao Tseu « Laisse reposer l’eau boueuse, elle s’éclaircira ». En effet,  mes ruminations se sont naturellement dissipées, par le simple fait de porter mon attention sur autre chose (sur mon corps, sur la nature…).

 

Les solutions que j’ai reçues sur le chemin n’ont pas résulté de ma volonté ou d’un tri intellectuel. Elles ont émergé d’une décantation qui s’est opérée d’elle-même, décantation dont j’ai été la spectatrice.

 

 

Dépouillement et dissolution

 

En marchant, j’ai senti que je lâchais (involontairement toujours) des choses qui ne m’étaient plus d’aucune utilité, laissant ainsi place à une sensation de légèreté indescriptible (j’irais presque jusqu’à dire une sensation de légèreté divine !). A l’image d’un processus alchimique, c’est comme si le lourd se séparait du subtile.

 

Ainsi, certaines émotions qui prenaient toute la place avant de partir se sont dissoutes. J’ai aussi vécu cela dans la matière, car de nombreuses choses dans mon sac à dos qui me semblaient indispensables au commencement ont fini par devenir totalement inutiles et encombrantes en cours de route ! (de nombreux pèlerins renvoient d’ailleurs une bonne partie de leurs affaires chez eux !).

 

J’ai alors compris que ce n’était pas en me remplissant (d’expériences, de connaissances…) que j’y voyais plus clair, mais, au contraire, en faisant le vide. En effet, l’essentiel se dévoile dès lors que l’on se dépouille de tout : on « est », tout simplement.

 

 

Perte de la notion du temps

 

J’ai très rapidement perdu la notion du temps : j’avais la sensation de marcher depuis des semaines, alors que je marchais en réalité depuis quelques jours ! Là encore, j’ai beaucoup de mal à verbaliser ce ressenti : je n’attendais plus rien (en bien comme en moins bien), donc ne me souciais de rien d’autre que l’instant. Je me sentais paisible, avançant, pour ainsi dire, dans le même sens et au même rythme que le flot de la vie…

 

 

Unité

 

Comme je le disais précédemment, le chemin amène le marcheur à « être », tout simplement. Les apparences, elles aussi, se dissolvent en cours de route. Le pèlerin fait donc l’expérience de l’Unité.

 

En effet, le pèlerinage nous unit à nous-mêmes, aux autres, et à la Terre. Il n’y a plus un enseignant, une avocate, un artisan, un chômeur, un publicitaire ou une boulangère, pas plus qu’un catholique pratiquant, un athée, un sportif de haut niveau ou une personne malade qui aspire à une guérison miraculeuse : il y a des êtres, c’est tout. Des êtres non pas divisés mais unis, non pas dans la compétition mais dans le partage et l’entraide. 

 

En devenant « un », on se recharge, on s’aligne, on se rend droit, et cette rectification est visuellement perceptible dans la manière que l’on a de se tenir et de marcher.

 

 

Ainsi, marcher quelques semaines sur le chemin de Compostelle m’a permis de vivre des choses que je n’ai fait que « toucher intellectuellement » durant des années d’études et de lectures. Voyageant le plus souvent le plus loin possible de chez moi, avec, sans doute, le désir naïf de vérifier si l’herbe ne serait pas plus verte ailleurs (!), j’ai compris, par cette expérience, que tout était déjà là : dans le pays dans lequel je vis, mais surtout là, en moi. 

 

Je rejoins Patrick Burensteinas quand il compare le pèlerinage à l’œuvre au noir alchimique, car en cheminant, le pèlerin pèle, et se défait de ce qui le gène : il se vidange (« vie d’ange » !) pour recevoir l’énergie du vivant. Je rejoins aussi Christophe André dans la mesure où la marche est une méditation, puisqu’elle reconnecte au moment présent. Et je rejoins enfin et encore une fois Daniel Zanin qui qualifie la marche d’acte chamanique qui nous relie aux éléments, et qui nous apprend la plus belle des choses, à savoir que le bonheur réside dans l’ordinaire…

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