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23. Quand le travail sur soi devient un but en soi…

Voilà un sujet épineux accueillant sans aucun doute une multitude d’avis différents ! La pluralité des points de vue sur la question est naturellement saine et normale, puisque le cheminement de chacun(e) suit des objectifs propres et uniques. Néanmoins, il m’est arrivé d’observer à plusieurs reprises un phénomène que j’aimerais partager avec vous, phénomène qui me semble être une impasse dans laquelle s’égarent quelques pèlerins…

 

 

 Un travail sur soi pour être en paix avec soi

 

Je ne vous apprends rien : dans la majorité des cas, nous entreprenons un travail sur nous pour aller mieux ! En effet, rares sont celles et ceux qui vont explorer leur partie obscure pour le plaisir… Non, cette démarche est toujours motivée par quelque chose : une quête de sens, un mal-être tenace, une situation familiale conflictuelle, une volonté de changement (personnel, social, professionnel…), un besoin de se réorienter, etc… la liste est longue ! Ainsi, nous explorons nos profondeurs non pas pour le plaisir de nous prendre les pieds dans des souvenirs douloureux, mais parce que l’on espère que cette démarche nous permettra, à terme, de trouver une lumière (une compréhension, une solution…). De la même manière, nous suivons une hygiène de vie stricte non pas pour le plaisir de nous priver de choses que l’on aime faire ou manger, mais parce que l’on souhaite savourer l’état de bien-être durable qui résulte de cette hygiène de vie. Ou encore, nous gagnons de l’argent non pas pour le plaisir d’avoir des bouts de papier et des gros montants écrits dans la bonne colonne (!) de nos relevés bancaires, mais pour le plaisir de manger à notre faim, d’avoir un toit au dessus de nos têtes, de faire les activités qui nous plaisent… !

 

Ces exemples coulent de source. Au premier abord tout du moins, car il n’est pas rare que l’outil visant à atteindre le but devienne sournoisement… le but lui-même !

 

 

Quand le travail sur soi égare plus qu’il n’oriente

 

Celles et ceux qui cheminent depuis de nombreuses années vous le diront : nous ne cessons jamais de déterrer de nouveaux cadavres émotionnels, de rencontrer de nouveaux fantômes dans les méandres de nos esprits agités, et de découvrir de nouvelles voies, informations, thérapies… pouvant potentiellement nous aider à y faire face. Pour reprendre les propos d’une de mes formatrices cheminant depuis plus de trente ans, toutes ces mémoires (ces cadavres, ces fantômes…) sont des échardes que nous ôtons tout au long de notre vie.

 

L’outil devient le but lorsque l’on glisse vers l’objectif d’ôter toutes nos échardes jusqu’à la dernière. En effet, nous finissons par penser que c’est lorsque la totalité des épines sera enlevée que le sens, le bien-être, la paix et/ou les changements rêvés se déploieront enfin.  De la même manière, et pour reprendre les exemples précédents, l’outil devient le but quand nous pensons que nous aurons un organisme 100 % fonctionnel une fois que celui-ci sera pur et nettoyé de la totalité de ses déchets. Enfin, l’outil devient aussi le but quand on finit par penser qu’un compte en banque plein à craquer conférera la pleine sécurité, la paix et le bonheur…

 

Or, ôter toutes nos échardes est une utopie…

 

 

Le travail sur soi : un jeu d’équilibriste

 

Emettre le souhait (consciemment ou non) d’enlever toutes ses échardes revient à émettre le souhait d’arrêter le flot de ses pensées : tout méditant, aussi expérimenté soit-il, vous dira que ce n’est pas possible. Et il vous dira surtout que ce n’est pas le but…

 

Non, l’intérêt de la méditation est d’apprendre à observer ses pensées avec distanciation et à les laisser défiler, comme les nuages défilent dans le ciel. C’est cette distanciation qui apporte la paix, et non pas l’absence de ces pensées, pensées qui ont leur place et leur utilité dans votre esprit comme les nuages ont leur place et leur utilité dans le ciel !

 

De la même manière, ce n’est pas l’absence d’échardes qui conduit au bien-être, au changement, à l’évolution… mais l’art d’apprendre à vivre avec celles-ci ! L’art d’apprendre à vivre avec ses échardes, c’est l’art de repérer et d’ôter celles qui vous font mal ici et maintenant, celles dont la douleur se manifeste présentement au travers d’un mal-être, d’un conflit, d’une douleur, d’un blocage… tout en mettant à distance les échardes qui n’ont pas besoin, pour l’heure, d’être enlevées. Oui, l’art d’apprendre à vivre avec ses échardes, c’est l’art d’être toujours en équilibre, quelles que soient les circonstances (favorables ou défavorables) extérieures.

 

 

Ainsi, il est important, à mon sens, de revenir sans cesse au « pourquoi ? » de sa démarche, car le risque de s’égarer lentement mais surement plane sur chacun(e) d’entre nous. S’égarer n’est pas une mauvaise chose en soi, et suivre un but inatteignable non plus d’ailleurs (bien au contraire !), dès lors que vous conscientisez le fait que, dans le fond, le véritable intérêt de cette démarche est l’ensemble des récoltes que vous faites sur le chemin, et non pas le but en lui-même ! Car un outil qui est une fin en soi ne conduit pas directement au bien-être, à la sérénité… mais à des détours qui perdent plus qu’ils ne guident. Et à l’inverse, un outil non érigé en but est un compagnon de route qui permet, au fil du temps, d’ôter minutieusement les échardes qui ont besoin de l’être, et donc de trouver l’équilibre.

 

Cet équilibre aligne. Et cet alignement, en plus d’éveiller notre plein potentiel, procure un sentiment de paix intérieure…

 

 

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