Sur la route...
Etre éveillé, ce n’est pas être accompli : c’est être sur son chemin...
2. Quand la maladie pose ses valoches dans votre vie...
Les premiers temps (des mois, des années…) qui succèdent à l’annonce d’une maladie qualifiée de grave sont douloureux, et ce, que vous soyez entouré(e) ou non : s’engage désormais une nouvelle relation aux autres et à vous-même, relation teintée de difficultés, de déceptions, de peurs et de conflits.
Selon le répit que vous laisse la maladie, et selon votre manière de faire face à la situation, le déni est plus ou moins long. Avec du recul, je pense que ce déni correspond à une période de transition qui permet, dans un premier temps, d’encaisser la situation inconsciemment, de sorte à ce que celle-ci puisse être, par la suite, « admise » par la conscience. Si le déni ne suffit pas à l’intégration de l’événement, c’est la maladie elle-même qui, tôt ou tard, s’imposera à vous d’une manière si forte que vous ne pourrez plus ne pas considérer sa présence.
Pour ma part, j’ai cru naïvement que la foudre ne frappait jamais deux fois au même endroit. En gros, j’ai cru qu’ayant déjà reçu l’épreuve de vie « high level », il ne pourrait rien m’arriver de pire ! Pour se représenter l’erreur d’un tel raisonnement, on peut visualiser un lac dans lequel on jette une pierre : le point où la pierre a traversé l’eau génère des ondes qui font bouger cette dernière sur une surface beaucoup plus large, ondes qui dessinent des cercles autour du centre. Oui, la maladie se vit en soi et en dehors de soi… et ce à divers niveaux.
Le cercle extérieur, c’est les chamboulements dans votre vie sociale, avec la réduction drastique de votre réseau. Votre silence éloigne déjà de nombreuses connaissances qui ne vous sollicitent plus, du fait que vous ne voulez plus ou ne pouvez plus partager les activités en leur compagnie. Votre confession, quant à elle, apeure et éloigne les autres… Votre réseau se tourne comme un artichaut, se pèle comme un oignon si vous préférez, mettant ainsi le cœur de celui-ci à nu. Il ne reste plus grand monde… Dans les « survivants », Il se peut que certaines personnes que vous pensiez être des amis ne soient plus là. Mais il se peut aussi que des personnes que vous preniez pour des connaissances soient toujours à vos côtés. ;-)
Le deuxième cercle représente les chamboulements dans votre vie professionnelle. Si vous n’aviez pas de travail jusqu’à présent, la tâche d’en trouver un est désormais considérablement plus difficile. Même tarif pour ceux qui perdent le travail qu’ils avaient jusque là. Enfin, pour ceux qui peuvent continuer à travailler, ils seront désormais, pour la plupart, constamment confrontés aux regards tantôt compatissants, tantôt soupçonneux de leurs collègues et supérieurs (c’est particulièrement le cas quand votre maladie « ne se voit pas »), regards qu'ils vivront peut être comme une double peine, du fait qu'ils auront déjà le plus grand mal à accepter de ne plus pouvoir travailler « comme avant ».
Enfin, le troisième cercle représente votre vie familiale. Les proches, aussi bien attentionnés qu’ils soient, ne savent pas comment réagir. Vous réconfortez ceux qui s’effondrent (!), laissez partir ceux qui ont peur, fermez les yeux sur ceux qui ferment les leurs. Et, dans le même temps, vous envoyez bouler ceux qui tentent de vous aider, pour leur reprocher ensuite de ne pas pouvoir comprendre ce que vous vivez, car « ils ne sont pas à votre place ».
Et puis il y a le point central. C’est vous avec vous. Vous ne vivez plus, mais vous survivez à un tsunami émotionnel. La guerre qui se mène en vous est à l’image de la guerre qui se manifeste dans les cercles extérieurs. Certes, il y a ceux qui prennent le taureau par les cornes d’emblée, chaussant leur armure, leur casque et leur lance, prêts, avec le courage d’un guerrier (ou avec l’énergie du désespoir) à ferrailler, mais nombreux sont ceux qui se sentent tomber dans un puits sans fond, en étant ballotés d’une paroi à une autre. Cette chute peut être longue, très longue…